Un devoir de performance

Jean-Michel Ghoussoub
4 min readDec 10, 2023

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(Le Soleil, André-Philippe Côté)

Je fais partie des privilégiés qui paient 50% d’impôts (et 5% de TPS, 9,975% de TVQ, des taxes municipales, des taxes scolaires, de la taxe sur l’essence et une foule d’autres contributions à l’État: mon permis de conduire, mes immatriculations, mes permis de chasse et de pêche, etc.).

Je suis très à l’aise avec le fait de payer beaucoup de taxes et d’impôts. Je crois que c’est normal, quand ça va bien pour nous, de redonner à la collectivité qui nous a permis d’en arriver là.

Par contre, comme beaucoup de québécoises et de québécois, je m’attends à ce que notre argent soit utilisé de manière optimale par nos différents paliers de gouvernement (fédéral, provincial et municipal). À cet égard, je crois que le gouvernement a un devoir de performance dans l’utilisation des fonds publics. Pas de rentabilité — certains services coûtent de l’argent et c’est normal — un devoir de performance.

On se fait dire depuis toujours par les gouvernements successifs qu’il faut soit augmenter les impôts, soit réduire les services. Le tout saupoudré de mots comme “équilibre budgétaire”, “responsabilité fiscale”, “réduction de la dette” et parfois même “austérité”. Ça a tellement été répété que c’est devenu un fait accepté de tous. Mais entre nous, c’est de la bullshit!

Il est non seulement possible, mais souhaitable, d’à la fois réduire les impôts tout en améliorant les services. Pour y arriver, il suffit que l’appareil d’État soit mieux géré.

Ça ne veut pas dire qu’on doit presser le citron aux fonctionnaires et les pousser au burn-out pour y arriver. Non. Il faut une meilleure structure et un allègement des organisations publiques, de processus plus efficace et surtout, des dirigeants compétents et professionnels. Moins d’employés d’État, mais avec des conditions qui leurs permettent de donner le meilleur d’eux-même.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui et, soyons honnêtes, je crois que tout le monde s’accorde pour dire que côté performance des services vs les coûts, nos gouvernements sont plutôt mauvais. Et ce n’est pas une question de budgets. Quelques exemples récents:

Le site SAAQ Clic a coûté 458 millions de dollars. C’est une somme astronomique. Et après un an, ça ne fonctionne toujours pas comme il faut. Il y a plein de voitures qui circulent avec une feuille mobile “tapée” dans leur fenêtre arrière parce que les propriétaires n’ont pas encore reçu leurs plaques d’immatriculation. Je travaille en transformation numérique, j’ai été à la tête d’une agence numérique pendant 17 ans, je sais ce que ce type de projet coûte. Ça aurait du coûter au moins dix fois moins cher et ça aurait dû fonctionner au jour 1. Les responsables devraient avoir honte — et être congédiés sur le champ.

Le REM va coûter 8 milliards de dollars et depuis son lancement cet été il accumule panne sur panne, en plus d’une communication déficiente aux usagers. Il me semble que dans un pays développé, on est en droit de s’attendre à un peu mieux. J’ai pris le train en Suisse cet été: propre, efficace, à l’heure, paiement en ligne et via le téléphone ainsi qu’une application mobile hyper efficace. Je me suis senti dans un pays moderne et j’ai eu honte de nos transports en commun québécois. Oui, la Suisse est un pays riche, oui il y a une plus grande densité de population en Europe, mais merde, on peut faire beaucoup mieux avec 8 milliards!

Le Panier Bleu, ça vous dit quelque chose? Lancé en grande pompe par la CAQ en avril 2020, une mauvaise idée mal exécutée. Un site pour l’achat local sur lequel on retrouve moins de 1% de produits québécois… Et quels ont été les résultats au final? Ils sont à peu près nuls. C’est pour ça que personne n’en parle plus. Une annonce politique financées par les contribuables. Coût total: 22 millions.

Revenu Québec et ses 12 500 employés coûtent près de 1.5 milliards par an. Je rappelle que le Québec est la seule province qui a un ministère du revenu. Dans les autres provinces, c’est géré par le fédéral et ça fonctionne très bien. Est-ce qu’on a besoin de 12 500 personnes pour examiner les déclarations d’impôts des particuliers et des sociétés d’une province de 9 millions d’habitants? La réponse est non. Simplifiez un peu les règles de l’impôt et les formulaires dignes de la maison des fous d’Astérix et surtout, automatisez tout ça. La lecture des relevés d’impôts devrait être faite par un logiciel — ce n’est rien de très compliqué ni de très nouveau. Je fais le pari que l’on peut très facilement opérer Revenu Québec avec 2000 employés et sauver 1 milliard par année. Une amie qui travaille en politique me disait oui, mais personne ne voudra embaucher quelqu’un qui a travaillé à Revenu Québec pendant 10, 15 ou 20 ans… Et on va se retrouver avec 10 000 chômeurs. Je comprend, mais le rôle de l’État n’est pas de créer des emplois subventionnés; c’est de donner des services de qualité à la population.

Ce sont quelques exemples (publics), mais il y en a malheureusement des centaines d’autres; aussi bien au niveau provincial que fédéral et municipal. L’argent est mal utilisé et il n’est pas alloué aux bons endroits.

Car n’oublions pas que pendant que tout cet argent là est “brûlé” par incompétence, les professeures du Québec se battent en ce moment pour des miettes afin de pouvoir fournir une éducation de qualité à nos enfants.

En ces temps d’inflation et de taux d’intérêts élevés où les contribuables doivent se serrer la ceinture et faire plus avec moins. On serait en droit de s’attendre à ce que le gouvernement prêche par l’exemple.

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