Téo Taxi et les gérants d’estrades
Je ne suis pas le plus grand fan d’Alexandre Taillefer, mais on doit admettre que le gars: (1) a une vision pour faire grandir le Québec, (2) passe à l’action et (3) prend des risques personnels. Vous en connaissez beaucoup des gens de cette trempe? Moi non plus. Et c’est peut-être pour ça que, malgré tout le talent qu’il y a ici, le Québec n’a pas encore pris sa place sur la scène internationale.
Suite aux déboires de Téo Taxi, la presse locale s’est déchainée. Chacun y allant de son opinion sur les causes de l’échec. Parmi tous ces gérants d’estrades du monde des affaires, combien ont déjà géré une entreprise? Risqué leur temps, leur argent et leur réputation? Ont-ils la moindre idée des difficultés qui surgissent sur le chemin de tout entrepreneur? À plus forte raison quand celui-ci tente de changer une industrie aussi complexe et réglementée que celle du taxi tout en faisant face à la compétition d’un géant international comme Uber?
Nous vivons dans une société de spécialistes à la mie de pain. Il suffit de tourner le bouton de la télé pour apercevoir une congrégation de bavards avec un faux ignorant au milieu qui pose de bonnes questions pour dire le monde et son contraire. — Olivier de Kersauson, Le monde comme il me parle
Le Journal de Montréal et Richard Martineau en particulier s’en sont donné à coeur joie pour descendre Alexandre Taillefer. Si Richard Martineau écrit quelque fois des trucs géniaux, la plupart du temps il ressasse les mêmes rengaines usées. Avec ses attaques contre Alexandre Taillefer, il ne fait pas dans le grand journalisme. Frapper quelqu’un qui est déjà par terre manque déjà de noblesse, il aurait au moins pu le faire avec un peu plus de classe. Son texte dans le journal de Montréal était minable. Sa performance de clown à TVA Nouvelles encore pire.
Richard, tu es un gars intelligent et éduqué, mais à part chialer sur toutes les tribunes, tu fais quoi de concret pour améliorer les choses? Il serait peut-être temps de mettre tes énergies et ton intelligence à contribution sur quelque chose de plus grand et de plus positif.
J’inviterais tous ces gens qui, comme Richard Martineau, s’indignent que “notre argent” ait été gaspillé par Téo Taxi à prendre un peu de recul afin d’y voir plus clair. Le gouvernement a investi 60 millions de dollars dans l’aventure. Peut-être beaucoup pour vous et moi, mais en réalité des miettes sur le budget annuel du Québec (108 milliards) ainsi que sur les montants gérés par la Caisse de dépôt (308 milliards), le Fonds FTQ (14.8 milliards) et le Fondaction CSN (2 milliards).
60 millions, est-ce un gros investissement dans une entreprise de taxis électriques qui avait le potentiel de changer une industrie vieillotte et avoir un important impact social et environnemental tout en faisant briller le Québec à l’international? Je ne crois pas. À titre comparatif, en date d’aujourd’hui, Uber a reçu 24 milliards US d’investissement.
Mentionnons au passage qu’il n’y pas si longtemps, le gouvernement du Québec a investi 1.3 milliard dans Bombardier.
Rappelons également que les sommes investies n’ont pas été des “cadeaux” à Alexandre Taillefer mais s’inscrivent dans la mission des organismes qui les ont avancées: soit favoriser le développement économique au Québec.
N’oublions pas non plus que même si Téo Taxi a fini par faire faillite et que 450 personnes ont perdu leur emploi, l’entreprise a été active pendant près de 3 ans et que pendant ce temps, elle a créé de l’emploi et ses salariés ont versé de l’impôt. Pour ceux que ça intéresse, l’entreprise a produit un mémoire: “Où en est Téo Taxi après 3 ans d’activités?”
Plutôt que de s’indigner, on devrait remercier Alexandre Taillefer et tous les autres entrepreneurs qui prennent des risques et travaillent d’arrache-pied. Ce sont eux qui font avancer le Québec et font rouler l’économie. Si quelques-uns réussissent, beaucoup se plantent. Et c’est normal. Si c’était facile tout le monde le ferait. On devrait célébrer ces échecs comme un pas de plus vers une réussite collective.
Plutôt que de dénigrer les entrepreneurs qui mordent la poussière, on devrait leur tendre la main et les aider à se relever. Cette aventure-ci n’a pas fonctionné, la prochaine réussira mieux.
In order to progress, modern society should be treating ruined entrepreneurs in the same way we honor dead soldiers, perhaps not with as much honor, but using exactly the same logic (the entrepreneur is still alive, though perhaps morally broken and socially stigmatized, particularly if he lives in Japan). For there is no such thing as a failed soldier, dead or alive (unless he acted in a cowardly manner) — likewise, there is no such thing as a failed entrepreneur or failed scientific researcher, any more than there is a successful babbler, philosophaster, commentator, consultant, lobbyist, or business school professor who does not take personal risks. (Sorry.) — Nassim Nicholas Taleb, Antifragile