Transformation numérique en alimentaire: comment les marques peuvent tirer profit des changements
Par Geneviève Bernier et Jean-Michel Ghoussoub
Les changements amenés par la technologie se sont accélérés dans les dernières années, et tout particulièrement dans les derniers mois en raison de la pandémie. Le marché de l’alimentaire n’a pas été épargné et il y a fort à parier que la tendance ne ralentira pas dans le futur; bien au contraire.
Parmi les tendances de fond à surveiller:
Les consommateurs accordent une importance grandissante à l’impact environnemental et social et votent avec leur porte-monnaie.
Selon une récente étude de MDF Commerce:
- 81% des répondants jugent important que les entreprises implémentent des programmes pour améliorer leur impact environnemental.
- 73% des consommateurs se disent prêts à changer leurs habitudes de consommation pour réduire leur impact environnemental.
- 30% des répondants sont prêts à payer un supplément pour des produits qui ont un impact social positif.
Dans un monde globalisé et connecté ou chaque téléphone portable est aussi une caméra, l’information circule plus librement et plus rapidement. Un nombre grandissant de consommateurs s’intéressent à la production des aliments qu’ils consomment. Que ce soit au niveau de l’exploitation des enfants, de l’impact environnemental ou de la maltraitance des animaux.
Ce n’est pas un hasard si des grandes marques comme Danone, qui sont souvent à l’avant-garde, se sont certifiées B-Corp il y a déjà 2 ans et qu’IKEA a récemment acheté une forêt.
L’augmentation de l’information affichée sur le produit
Les consommateurs accordent une importance croissante aux attributs des produits qu’ils consomment; non seulement en termes d’impact sur leur santé, mais également en termes d’impact sur la planète. Par conséquent, les marques devront fournir davantage d’informations sur leur packaging que la traditionnelle étiquette des valeurs nutritionnelles.
Certains épiciers, comme Metro avec son programme “My Health Choices”, ont pris les devants et commencé à fournir des informations supplémentaires sur les produits. Les consommateurs ont ainsi accès à près de 50 attributs sur 9000 produits à travers les étiquettes en magasin, mais également via le site transactionnel et l’application mobile de Métro.
De plus en plus de consommateurs se tournent également vers des applications indépendantes comme Yuka pour obtenir de l’information et des recommandations sur les produits qu’ils considèrent mettre dans leur panier d’épicerie.
Il y a fort à parier que les marques voudront valider, et possiblement influencer, l’information sur leurs produits fournie par ces tierces parties; que ce soit des épiciers ou des applications indépendantes.
La traçabilité des aliments est un autre élément qui va se retrouver de plus en plus sur le packaging. Certaines compagnies comme Naturoney permettent déjà aux consommateurs de scanner un code QR sur leur produit afin de connaître la provenance de leur miel.
Il faut dire que les technologies qui permettent de suivre les produits de la production jusqu’au consommateur ont beaucoup évolué et tout une industrie s’est développée pour répondre à ce besoin. Les marques peuvent aujourd’hui se tourner vers des compagnies comme Optel Group pour mettre en place des technologies de traçabilité qui vont non seulement permettre de donner plus d’information aux consommateurs, mais également fournir à l’entreprise des données qui lui permettront d’augmenter sa productivité et sa profitabilité.
Les marques passent au eCommerce B2C
De plus en plus de marques vendent maintenant directement aux consommateurs. Et s’il n’y a encore pas si longtemps, c’était des plus petites marques et des produits non réfrigérés; ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Les consommateurs québécois peuvent aujourd’hui acheter en direct du manufacturier des noix (Prana, Handfuel), des barres protéinées (Iron Vegan), des céréales (Oatbox), du miel (One Root), du pain et des pâtisseries (Première Moisson), du fromage (Thornloe), des fruits et légumes (Fermes Lufa), de la viande (Rheintal et Valens) et une foule d’autres produits auprès de nombreuses marques.
Le regroupement de fermiers Maturin permet également aux consommateurs de s’approvisionner directement auprès de 250 producteurs locaux avec un choix de 2000 produits.
Certains diront que le volume d’affaires est encore marginal par rapport aux ventes en épicerie. Ils ont raison, mais la croissance est forte. Pour ne prendre qu’un seul exemple, les Fermes Lufa, fondées en 2009, ont maintenant 4 fermes urbaines à Montréal, pour une superficie de 300 000 pieds carrés. Ils emploient 500 personnes et livrent 20 000 paniers par semaine.
Les avantages pour les marques de vendre aux consommateurs sont nombreux. D’abord elles se libèrent un peu du cartel des épiciers et augmentent leur pouvoir de négociation. Ensuite elles peuvent vendre l’ensemble de leurs produits, même ceux que les épiciers ne veulent pas lister. En enlevant un intermédiaire, les marges de profit sont plus élevées. Et finalement, l’élément le plus important, c’est que cela permet aux marques de développer en direct la relation avec leurs consommateurs.
Face à ces changements, comment les marques peuvent-elles se positionner?
La pandémie nous a démontré une évolution dans le comportement des consommateurs, qui ont de plus en plus d’attentes auprès des marques. Les marques qui vont réussir à se propulser, à séduire les consommateurs, sont celles qui auront su se différencier et se positionner de façon unique dans le marché.
Comment rester crédible pour fidéliser les consommateurs et en attirer de nouveaux, surtout les Milléniaux ? Voici quelques exemples de ce que les marques alimentaires peuvent faire pour se renouveler en 2021 :
Le storytelling n’est plus suffisant pour convaincre. Révolu le temps des déclarations, des textes percutants pour vendre un produit. Désormais, le storytelling n’est plus suffisant. Les marques doivent, encore plus que jamais, agir pour convaincre. Elles doivent proposer un engagement utile et sincère. Avec l’arrivée de la pandémie l’an dernier, on a vu quelques marques agir pour adopter un rôle au-delà de leur mission première. Quelques actions comme verser une prime aux salariés les plus exposés au covid-19, donner ses surplus d’inventaire à des organismes ou banques alimentaires, ou encore aider les acteurs de son écosystème sont quelques exemples. Il y a aussi l’exemple de Pur Vodka qui s’est lancée dans la production de gel désinfectant en mars 2020. Une belle inspiration sur comment sortir des sentiers battus pour faire vivre ses valeurs et s’engager. Nicolas Duvernois, le PDG, affirmait d’ailleurs à ses consommateurs: « La production de Pur Vodka peut attendre, pas la lutte au virus!’’
Autre exemple inspirant: Prana. Parmi les entreprises d’alimentation et de breuvage certifiées B Corp en Amérique du Nord, Prana a obtenu la première position pour sa performance environnementale. Pour la fondatrice Marie-Josée, mère de trois enfants, l’objectif est clair: changer le monde en offrant de meilleures conditions de travail, être soucieux de l’environnement avec sa marque certifiée biologique, et ce, tout en demeurant compétitif.
Enfin, selon l’étude Edelman Trust Barometer 2020, Les marques à l’heure du Coronavirus , les marques sont et seront jugées sur leur aptitude à être pleinement à l’écoute de leurs clients et de l’actualité. Celles-ci se doivent en effet d’être en empathie et en considération avec les consommateurs, et plus largement avec la société.
Être authentique dans sa relation avec son consommateur. Avec les tendances numériques exposées ci-haut, il est urgent que les marques soient transparentes. La provenance des ingrédients, des étiquettes de produits innovants pour communiquer l’information n’en sont que quelques exemples. Les marques qui sauront toucher le cœur des consommateurs, sont celles qui auront un discours authentique, mais qui seront également présentes et à leur service. Les clients sont de plus en plus exigeants et attendent des entreprises des réponses plus rapides et plus directes. Par exemple, investir dans les chatbots, propulsés par l’intelligence artificielle, est maintenant un incontournable. Il faut être en relation constante avec le consommateur, il faut répondre à son besoin dans l’instantané. Être sur Facebook, Instagram et Twitter n’est plus suffisant pour être une marque connectée avec les Milléniaux.
Foncer et suivre la vague du e-commerce : on est tous d’accord, le premier confinement a été l’occasion pour le secteur agroalimentaire de voir le e-commerce enfin décoller. Un boom qui oblige les entreprises à s’adapter. Comme l’énonce un rapport rédigé par Hubspot : Le marketing réinventé : 5 changements post covid : une entreprise sur cinq va disparaître si elle ne répond pas aux enjeux du numérique dans les trois prochaines années. Il est donc impératif pour les entreprises d’opérer rapidement leur transformation numérique.
Quels sont les risques du statu quo ?
La croissance des marques privées est un risque pour les marques nationales. On assiste à une révolution des offres de marques privées. Plusieurs d’entre elles offrent plus de 2500 produits répondant aux tendances du marché qui se comparent avantageusement aux marques nationales. Chez les distributeurs, on assiste donc à une vive tentation d’ajouter des produits portant une marque privée.
- Le Choix du Président et Sans Nom chez Loblaws, Sensations et Compliments chez IGA-Sobeys ou bien Irrésistibles et Sélection chez Metro courtisent les consommateurs depuis des décennies.
- D’ailleurs, 64 % des consommateurs choisissent une marque privée principalement en raison du prix, selon AC Nielsen.
- Et pour une multitude de raisons, vous risquez d’en acheter davantage dans les prochaines années.
À vrai dire, l’Amérique du Nord accuse un retard sur l’Europe où plus de 32 % des produits alimentaires émanent d’une marque privée.
Les consommateurs, notamment les milléniaux, rejettent les grandes marques nationales, c’est bien connu. Nestlé, PepsiCo, Kraft Heinz, Mondelez, Campbell’s éprouvent tous des problèmes pour augmenter leur part de marché, partout sur la planète.
Perdre des consommateurs qui se tourneront vers de plus petites marques qui offrent authenticité et transparence. Les consommateurs vont perdre de plus en plus leur fidélité face aux marques, puisqu’ils ne verront pas l’avantage de payer un prix premium.
Cadent Consulting Group a publié une étude qui suggère que les jeunes consommateurs sous la barre des 35 ans se fichent éperdument de la marque, mais souhaitent une plus grande transparence et des produits naturels.
Aujourd’hui plus que jamais, c’est l’occasion pour les marques de montrer, de prouver qu’elles ont une vraie mission au-delà de leurs profits; une mission au service des consommateurs, au service des citoyens.
Les auteurs
Geneviève Bernier oeuvre depuis plus de 15 ans en marketing dans le domaine de l’agro-alimentaire. Après avoir occupé des postes au sein de nombreuses grandes marques (Saputo, Olymel, Fromageries Bel et Agropur), elle œuvre maintenant comme consultante en stratégie marketing à la tête de son agence GenX Stratégie Marketing. Femme passionnée et dans l’action, elle se fait une mission d’accompagner les entreprises et les agences à se démarquer avec une approche agile, collaborative et authentique.
Jean-Michel Ghoussoub s’investit depuis plus de 20 ans dans le domaine du numérique. Il a été fondateur de l’agence web U92 qu’il a dirigée pendant 16 ans. Il est maintenant associé fondateur de la firme de transformation numérique Lift73. Au cours de sa carrière, il a contribué aux projets numériques de nombreuses grandes marques telles qu’Arcelor Mittal, Archambault, BDC, Bureau d’assurance du Canada, Danone, DeSerres, eBay, Energie Cardio, Fruits&Passion, Harnois Énergies, iögo, Jean Coutu, Lassonde, Loblaws, Mont Saint-Sauveur, RDS, Renaud Bray, Royer, Sanofi, Saputo, SAQ, Sleeman-Unibroue, Sephora, Standard Life, St-Hubert, Telus, Ubisoft, Uniprix, Vachon, Vidéotron et Ville de Montréal.